Le bilan de la quarantaine


Article / mardi, août 16th, 2022

J’ai eu 40 ans il y a deux jours. Et oui 40 ans révolus. Je suis heureuse d’y être parvenue, ce n’était absolument pas ce que prédisaient les médecins à ma naissance. Pour eux, je suis en sursis depuis bien longtemps ! Nombre de mes amis ayant des maladies graves similaires à la mienne sont déjà partis bien plus jeunes.

Ceci dit, je les sens passer ces 40 années d’existence. Ma santé évidemment ne va pas dans le bon sens. Ma maladie me crée toujours davantage de douleurs et de fatigue.

Ensuite, la dépendance me pèse de plus en plus. Je pense que mon cerveau commence à trouver toutes ces années longues et mon sac de frustrations et de souffrances physiques comme psychologiques déborde. Je comprends mieux quand on dit que tôt ou tard la mort finit par être souhaitée. Je ne pense pas que je sois au milieu de ma vie, mais plus aux trois quarts. Après, qui sait ?

Il faut savoir profiter des nombreux petits moments de bonheur, il y en a, souvent bien trop courts et peut-être bien moins nombreux que l’on souhaiterait. 

Cette année, c’est surtout celle de mon mariage. C’est mon plus grand bonheur actuel et donc celui auquel je m’accroche en ce moment. 

Depuis la naissance, je lutte pour survivre, pour ne pas attraper d’autres graves maladies. Et depuis plus de deux ans, je suis perpétuellement en train de me protéger au maximum pour ne pas être contaminée par ce foutu virus qui, même si je n’en meurs pas, on ne peut pas savoir, risque de m’affecter énormément et de me faire vivre un enfer au niveau respiratoire. J’ai déjà eu la grippe, des bronchites sévères, et oui c’est vrai, je suis toujours là mais je ne souhaite à personne d’avoir tant de mal à respirer qu’on ne sait pas si on va passer l’heure qui suit tant la fièvre et l’épuisement vous envahissent dans ces moments-là, dans un corps déjà trop sur le fil.

Alors c’est vrai, au bout de tant d’années de combat (parfois dès le matin simplement pour respirer quand la fatigue est déjà là), j’ai régulièrement envie d’abandonner et de plus en plus souvent.

Je fais donc un bilan mitigé de ces 40 ans. Est-ce que j’ai envie de vivre encore autant de temps en sachant que rien ne va s’améliorer et que tant de souffrances vont se répéter et devenir de moins en moins supportables ? Je ne crois pas. J’espère juste avoir le temps de profiter quelques années de mon mari, de mon projet de voyage avec lui de l’autre côté de l’Atlantique, de ma future maison que nous voulons faire construire, de mon activité professionnelle en santé sexuelle qui se développe.

Si je suis reconnaissante de certains événements et rencontres, oui. Si je suis en colère contre certaines réalités et attitudes, oui. Mais surtout je me remercie moi parce que je continue de sourire, même si je le fais certainement moins qu’avant, parce que je suis la plus capable de me comprendre et de me pardonner, parce que je travaille dur pour conserver une estime de moi dans un corps et une situation qui la font régulièrement fuir. 

Et surtout, j’essaye de me dire que tous les bons moments qu’il me reste à vivre m’aideront à tenir pour tous les autres mauvais qui reviendront de toute façon quand on se trouve enfermée à perpétuité dans un corps malade et immobile.

Je ne suis pas celle qui écrira que je suis une super héroïne du handicap, que je surpasse toutes mes difficultés. Je n’ai envie d’être la source d’inspiration de personne, surtout pas pour faire du bien aux valides et les rassurer sur leur propre existence. Je vis et survis tant bien que mal, en sachant aujourd’hui que le plus dur à accepter est que, dans de nombreux domaines, de notre naissance à notre mort, nous n’avons pas d’autre choix que d’être seul, profondément seul. Il faut vivre avec nos êtres chers, les aimer, les laisser nous aimer tout en sachant qu’ils ne pourront jamais tout comprendre et tout combler, même à nos côtés. Que leurs actions peuvent nous faire beaucoup de mal, même s’ils n’en sont pas conscients. 

On se retrouve dans quelques semaines, où j’essayerai de résumer cette incroyable expérience que j’ai tant souhaitée et à laquelle j’avais fini par ne plus croire : mon mariage.

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