Bonheur, tristesse et vie par procuration


Article / vendredi, décembre 2nd, 2022

Il y a quelques mois, j’avais dit que je parlerai de la difficulté d’éprouver du bonheur pour les autres quand vous ne pouvez pas vous-même parvenir à ce genre de plaisir. Cette réflexion est venue à la suite d’une simple situation de couple. Je devais me réjouir que mon mari achète une piscine dont il pourrait profiter l’été. Je n’ai pas réussi. Au-delà même de l’énorme frustration de ne pas pouvoir me baigner, que j’avais mis de côté dans ma tête, sans avoir les heureux privilégiés sous les yeux, qui m’est soudain complètement revenu en pleine face, je me suis rendue compte après de nombreuses heures à pleurer que même si j’en avais envie, il y aura toujours plein de bonheurs que les autres vivront et que je n’arriverai pas à partager parce que la vie m’a trop abîmé en m’en privant bien trop tôt. 

Je suis toujours quelqu’un qui cherche à savoir ce qui ne tourne pas rond chez moi et tout vous laisse culpabiliser, quand vous n’arrivez pas, par exemple, à être vraiment heureuse quand une amie ou connaissance s’empresse joyeusement, et à juste titre, de vous annoncer qu’elle va avoir un bébé, quand vos collègues de travail vous racontent qu’ils vont voyager au bout du monde, quand votre famille vous partagent leur joie d’être aller à la plage… 

Et puis finalement, je me suis pardonnée. En tout cas, j’essaye. J’apprends à accepter que j’ai le droit de ne pas être particulièrement heureuse pour les autres, voir même infiniment malheureuse. Certains diront que c’est de la jalousie, je pense que c’est de la profonde tristesse. 

La plupart des gens connaissent les délectations les plus simples sans même s’en rendre compte. La vie ne fait que me narguer de tout ce que je ne pourrai jamais atteindre. Peut-être que je peux aussi l’expliquer par le fait que depuis toute petite, je vis ma vie par procuration. Je ne pourrai jamais véritablement être moi-même puisque ma survie dépend des autres. Depuis plusieurs mois, je fais de terribles insomnies causées par les douleurs et les angoisses et là où d’autres verraient un temps pour se consacrer à des activités, lire, se changer les idées par une occupation, je passe des heures à ressasser, en étant complètement immobile, allongée dans mon lit, à écouter mon mari dormir. Surtout à savoir que ça va recommencer tous les jours.

On me demande pourquoi je travaille autant. Dès que j’utilise les nouvelles technologies, l’informatique, tous mes outils pour travailler, je ne dépend de personne. La réponse est là. 

Qu’est-ce que ça doit être chouette de ressentir de la satisfaction pour l’allégresse d’autrui, en plus de celle que l’on ressent parfois seul. 

J’ai décidé de ne plus m’en vouloir de ne pas éprouver cette félicité quand on m’annonce certaines nouvelles. J’agis comme toutes les personnes qui, à l’inverse, ne vont absolument pas culpabiliser en réalisant devant moi certains actes que je ne pourrai jamais effectuer ou simplement en en faisant la fière narration ! 

Je ne pourrai pas me cacher complètement de tout ce qui ravivera mes frustrations. Je tenterai de m’en prémunir au mieux peut-être en évitant d’y être confrontée, probablement en m’isolant encore un peu plus. C’est la seule solution que j’ai trouvée. 

Ne pas forcément être heureuse pour ce que vous vivez ne m’empêche pas de vous souhaiter de passer de très bonnes fêtes de fin d’année, et de vous envoyer tout mon courage si elles ne se passeront pas forcément comme vous le souhaitez, ou si au contraire, elles ne sont là que pour vous rappeler tout ce qui ne va pas dans vos familles dysfonctionnantes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *