Le retour de la silhouette de la faucheuse


Article / mercredi, juin 16th, 2021

Voilà un moment que je n’avais pas posté de billet ici. Ma vie a été mise entre parenthèses, nous nous sommes enfermés dans une bulle de protection avec mon compagnon face à cette catastrophe sanitaire. Depuis le début de cette pandémie, la silhouette de la faucheuse, que j’ai souvent vue de plus ou moins loin, était de nouveau présente dans mon esprit. Le seul moyen que j’ai trouvé pour qu’elle ne m’approche pas trop, c’est de me mettre à l’écart de l’ensemble des humains agglutinés sur la pointe de sa faux.

Alors que la vaccination m’a encore un peu plus éloigné d’elle et que l’amélioration de la situation sanitaire semble confirmer la réduction de mes angoisses, voilà que son ombre réapparaît soudainement derrière d’autres soucis de santé.

Je vais subir une intervention chirurgicale assez lourde nécessitant une anesthésie générale d’ici quelques semaines.

Cela fait plus de 25 ans que je n’ai pas été anesthésiée complètement pour une opération et pourtant, tous les souvenirs en lien, qui remontent principalement à mon enfance et adolescence, reviennent me frapper comme si je ne les avais vraiment pas oubliés, juste mis de côté tellement ils sont douloureux mais bien éternels.

Dès le plus jeune âge, les chirurgiens et anesthésistes qui m’ont opéré, et certainement sauvé d’une certaine mort, m’ont toujours prévenu des risques et dangers liés aux anesthésies générales dans le cas de ma maladie et particulièrement par rapport à mon atteinte respiratoire.

Tout me remonte alors. Ces angoisses grandissantes à l’approche des interventions, les couloirs froids dont je ne voyais souvent que le plafond saccadé de lumière de néons, ces au revoir à mes proches juste avant de rentrer dans le bloc, en appréciant les sourires comme si c’était les derniers, ces voix qui deviennent lancinantes, presque irréelles avant de basculer dans le sommeil forcé.

Me reviennent aussi ces instants au réveil où le bonheur le plus absolu est de réaliser que je suis toujours en vie, notamment par la douleur physique et par la vision de ceux que j’aime.

Toutes mes chirurgies, je les ai connues quand ma santé était encore relativement bonne. 25 ans plus tard, ma maladie a fortement évolué, ma fatigue a grandement augmenté. Vivre est physiquement beaucoup plus dur et voilà qu’un gros nodule au niveau de ma trachée vient me forcer à de nouveau faire l’expérience des anesthésies que je croyais, enfin que j’espérais, définitivement derrière moi.

Et cette faucheuse qui passe furtivement mais régulièrement autour de moi sans jamais avoir réussi à m’avoir, en ce moment, elle est là et elle me nargue. Et je la déteste, parce qu’elle a toujours été là depuis ces médecins qui ont dit à mes parents qu’il fallait vivre au jour le jour et que je ne vivrai certainement pas longtemps. Des paroles que l’on avait mis dans nos têtes et qui, pour le coup, m’ont créé une thanatophobie assez impressionnante et dont j’arrive difficilement à me débarrasser.

Il faut maintenant que j’essaie de refaire confiance en la médecine, en la vie aussi et en ma force intérieure pour survivre à ce genre de risques inhérents à une santé fragilisée.

Je ne peux pas et je ne veux pas partir car ce qui m’attend au réveil, c’est le plus beau sourire qui me fait tenir depuis de longs mois d’encombrements épuisants dont j’espère être libérée avec cette chirurgie, celui de l’homme que je vais épouser dans un peu plus d’un an.

Je regarde la faucheuse dans sa noirceur et lui demande de m’épargner encore un peu de temps.

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