Maladie, COVID, difficultés à refaire confiance, bonnes nouvelles : un esprit brûlant dans un corps immobile


Article / mardi, février 23rd, 2021

Je m’entraîne à voir tous les aspects positifs de ma vie, depuis longtemps. En ce moment, je rame et j’ai surtout beaucoup de mal à refaire confiance en la vie et en l’humain.
Depuis le début de la pandémie, je me suis isolée en voyant que la seule protection dont j’allais bénéficier pour ne pas mourir de ce foutu virus, allait forcément provenir de moi et de celui qui partage ma vie.
Même dans ma famille proche, j’ai senti qu’il était difficile de faire des efforts pour me protéger et continuer à me voir, et qu’il était plus simple de me dire que l’on comprenait mon souhait de m’isoler.

Par-dessus le marché, ma maladie s’est fortement aggravée avec un encombrement quasi permanent depuis trois mois et de grosses difficultés à expectorer, probablement par faiblesse grandissante de mon diaphragme.
Je me lève chaque matin avec l’incertitude que la journée sera agréable car il est difficile de profiter de l’instant présent quand celui-ci est une bataille pour respirer correctement.
J’apprends à exprimer mes souffrances aujourd’hui et à ne plus chercher à être forte, comme on m’a toujours demandé implicitement de le montrer dans ma jeunesse. 
Mes larmes coulent souvent oui, et je ne m’en excuse plus. C’est le seul moyen que j’ai en ma possession pour évacuer la charge émotionnelle que la maladie vient si souvent remplir. 
J’ai pris l’année dernière une décision mûrement réfléchie, mais qui m’a amené à faire un deuil qui s’annonce long et douloureux. Et je ne me guéris plus à coups de « ça pourrait être pire » parce que, m…e, « ça pourrait aussi être tellement mieux ».

Je me suis également rendue compte que j’allais devoir accepter qu’en plus du poids de ma propre maladie, je vais devoir porter celui qui forcément se reflète sur l’homme que j’aime. Je vais devoir entendre, le plus sereinement possible, qu’il ne supporte plus de m’entendre tousser. Au-delà de la légitimité à exprimer cette douleur à me voir en baver, j’accepte aussi de recevoir difficilement ces paroles. Le sentiment d’impuissance qu’il a envers ma maladie est le même que celui que je ressens sur le fait qu’il ne pourra jamais vivre avec moi sans la présence constante de cette maladie. Un trouple non désiré en sorte, dont le troisième partenaire n’est pas souhaité mais dont on ne pourra jamais se passer.

Depuis toute petite, je m’accroche à mes projets, à mes petites perspectives d’avenir, et là, ne sachant comment la situation sanitaire va évoluer, j’ai moins de prises pour escalader la positivité. Ou j’en ai de toutes petites que j’essaie de faire grandir. J’ai, par exemple, réussi à obtenir l’Autorisation Temporaire d’Utilisation du traitement contre ma maladie, au prix de sacrés efforts de justifications qui ont payé et cela fait trois semaines que je le prends avec tous les espoirs et la peur de l’inefficacité que cela peut engendrer. Je dois être patiente sans m’emballer.
J’ai réussi mon diplôme de Personne Experte en Situation de Handicap et je m’apprête à faire une activité qui m’épanouira davantage que mon boulot qui me permet de vivre mais qui me passionne de moins en moins. Le télétravail, je le pratique depuis 14 ans mais quand vous n’avez plus d’autres échappatoires de vie sociale à côté, cela devient pesant.

Autre bonne nouvelle, je suis enfin vaccinée et même si certains doutent de l’efficacité sur des personnes ayant une forte fonte musculaire comme moi, je décide de croire que je mourrai de ma maladie le plus tard possible, et pas de ce virus !

Maintenant, il va m’être difficile de ressortir de cette inertie de protection en focalisant mon esprit sur l’efficience scientifiquement prouvée des vaccins. Je vais devoir convaincre les futur.e.s intervenant.e.s à mon domicile de la nécessité de la vaccination car, là encore, rien n’est fait pour protéger davantage les personnes à la santé fragile puisque les employés à domicile n’ont pas l’obligation de se faire vacciner. Ne serait-il pas possible que les personnes le comprennent d’elle-même ? Pourquoi vais-je encore tant argumenter pour cela ?
Refaire confiance à l’être humain va être un cheminement complexe, mais ma dépendance ne me laisse pas le choix. Elle me rappelle chaque jour que je n’existerais pas sans les autres et c’est bien là toute la difficulté d’avoir un esprit si indépendant !
J’aimerais pour être plus tranquille que les occurrences de contamination redescendent en France et je m’aperçois que les autorités préfèrent maintenir une situation sanitaire sensible qui pourrait basculer à tout moment, sans se soucier de la mort des plus fragiles.

Alors dans tout ce chaos, l’amour, la seule dépendance que j’accepte presque pleinement, reste ma bouée et je fais avec mon compagnon de magnifiques projets communs à long terme, en espérant que l’on arrive tous deux jusque-là, le plus indemne possible.

Je ne renie pas la chance de ne pas être seule en cette période si compliquée pour les personnes dépendantes et je sais que j’aurais probablement repris des antidépresseurs si j’avais été seule.
Mais, au fond, seule, je le serai toujours face à ma maladie. Personne, absolument personne, ne peut, ne pourra et ne devra se mettre à ma place. Cette solitude-là, que je ressentirai inlassablement même entourée d’une foule de personnes, elle est incroyablement douloureuse, mais tellement réaliste qu’elle a forgé mon caractère pessimiste. 
Cependant, je suis une pessimiste qui continue à se bouger les fesses, à avoir des projets, à vouloir que mes pairs gagnent en confiance pour devenir indépendant, à dénoncer ce validisme qui pourrit la vie, et ce sans m’attendre à des résultats exceptionnels, et en sachant pertinemment que pleins d’entraves viendront faire reculer le travail réalisé. 

Je compte maintenant sur les beaux jours et les chances que la vie m’a aussi apportées à certains moments pour avancer dans tout ce fourbi et j’attends de pouvoir revoir mes ami.e.s plus sereinement.

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