Je fête aujourd’hui mes cinq ans de vie de couple. Cinq ans qu’un homme a su m’apprécier telle que je suis, au-delà de mon handicap et qui ne m’a pas réduit à ce dernier. Cinq ans que je sors avec une personne qui a vraiment réveillé la femme qui sommeillait en moi et qu’aucun ne voulait considérer davantage que par l’immobilité apparente de son corps.
Cette année, je vais me marier et je suis fière et heureuse que l’homme que j’aime ait dit oui à ma demande. Je ne fais pas partie de celles qui attendent éternellement les devants de leur bien-aimé parce que c’est la coutume. Je n’ai pas le temps pour ça, la tradition ne fait pas partie de mes valeurs et le patriarcat qui se cache derrière n’a fait qu’amplifier mon envie d’en être l’initiatrice. Féministe oui mais surtout éperdument amoureuse, j’avais réellement envie de me marier.
Pourquoi me direz-vous ? Je me suis souvent posé la question si cela était bien nécessaire, quel était le sens profond d’un mariage pour moi alors que je suis anti-religion ? Je crois que j’ai trouvé ma réponse.
Je n’ai en effet pas besoin de cette noce pour me prouver ni consolider un engagement. Ce dernier est évaluable dans toutes les actions du quotidien. C’est en repensant à une amie qui s’est mariée quand elle en a eu le droit, avec une personne du même sexe et pour qui ce mariage était libérateur dans l’affirmation de ses droits, dans la reconnaissance de qui elle était et de l’amour qu’on pouvait lui porter, que j’ai trouvé des motivations similaires à mon envie de passer devant la mairesse.
Pas de cérémonie, ni religieuse, ni laïque, ni chichis, une trentaine d’invités seulement. Des gens qui nous aiment et qui ont toujours été heureux pour notre couple, un bel endroit, une robe gothique et tout sera parfait.
Je crois en effet, que me marier, au-delà d’affirmer mon amour à l’homme avec qui je partage ma vie, est une action militante pour prouver à toutes les personnes qui n’ont jamais vu cette possibilité que quelqu’un puisse m’aimer avec un handicap, vu systématiquement comme dramatique, que je peux rendre un homme heureux !
C’est une manière d’exprimer haut et fort que le handicap n’efface jamais toute capacité de séduction et que tout le monde est aimable. C’est un pied de nez à toutes les personnes qui me voient comme une charge, ce discours validiste qui se cache dans chaque propos de mon entourage, celui de mon compagnon et même de mes ami.es en situation de handicap.
C’est un cri de rage quand vous vous êtes toujours sentie rejetée, diminuée à tant de préjugés et de discriminations.
Je suis une femme, je suis belle et je plais. Je suis heureuse en amour et je partage le bonheur d’un autre. Je vis ma vie de couple comme tout le monde avec ses hauts et ses bas et rien que pour ça, je suis comme vous, rien ne me sépare de vous et rien ni personne ne me fera croire le contraire maintenant.
Mais plus que tout, je sais que je scelle cette union parce que chaque matin, souvent rempli de douleurs du corps et de l’esprit, c’est son sourire que je veux voir et c’est sa voix que je veux entendre. Parce qu’à chaque fin de dispute inhérente à tous les couples, je sais que nous avons perdu des minutes voire des heures d’amour dans une vie où le temps est compté. Parce que je sais que nous arriverons à surmonter les difficultés, à nous battre ensemble contre les coûts de la maladie, à chercher toujours les petits bonheurs même dans les tempêtes de l’existence. Parce qu’il est ma force comme ma plus grande faiblesse, parce que j’ai attendu longtemps de connaître une belle histoire et que j’en apprécie toute la valeur.
Mon compagnon n’a certainement pas les mêmes motivations que moi. Cependant, je sais, rien que par ses yeux embués le jour de ma demande, et par le sourire qu’il me fait à chaque fois que l’on avance dans les préparatifs, qu’il est très heureux de partager cette aventure.
Mon mariage c’est un peu ma Crip Culture, ma Wedding Pride, ma façon d’affirmer mon identité de femme handie sexuée, capable d’aimer et d’être aimée même en ne bougeant qu’un seul pouce et qu’un seul orteil.
On se retrouve dans 199 jours pour fêter ça !