Plus de vingt ans après l’arrêt de ma pratique de la peinture à l’aquarelle en raison de la paralysie de ma dernière main mobile qui me le permettait, je vous dévoile aujourd’hui mes œuvres. Non sans nostalgie mais avec beaucoup moins de douleurs qu’avant. Mon deuil est probablement presque terminé car je pense que je ne le terminerai vraiment jamais.
Depuis toute petite, j’aime créer. J’ai commencé par dessiner puis j’ai souhaité apprendre à peindre avec une matière facile en raison de mes possibilités de mouvement limitées déjà à l’époque. L’aquarelle semblait donc parfaitement adaptée. J’ai commencé mes cours en suivant un vieux livre que m’avait donné mon parrain, lui-même peintre et sculpteur. Je me suis exercée dans le cadre de mes différentes séances d’ergothérapie dès l’âge de 15 ans et j’ai essayé de nombreuses techniques entre 1997 et 2001. J’ai principalement peint sur des toutes petites toiles de format carte postale car celui-ci me permettait de peindre dans les contraintes imposées par le peu de mobilité de mon bras gauche. J’ai adoré ces années de création où j’ai réussi certaines peintures, raté quelques-unes, mais toujours apprécié ce temps de liberté et d’expression.
En 2001, ma dernière main que j’utilisais déjà uniquement depuis une dizaine d’années pour écrire, manger, conduire mon fauteuil et faire toutes les petites choses qui m’étaient encore possibles, a fini par ne plus bouger en me retirant donc toutes ces capacités avec sa perte de mobilité.
J’ai alors mis de côté la souffrance de ne plus pouvoir peindre car le premier problème à traiter était celui de la conduite de la plus grande aide technique qui me maintenait une autonomie indispensable à ma bonne santé mentale, le pilotage de mon fauteuil roulant. Avec mon père, nous avons essayé de trouver une solution et ce dernier m’a fabriqué un support pour mettre un mini-joystick au niveau de ma bouche afin que je puisse continuer à être indépendante dans la conduite de mon fauteuil par le mouvement des lèvres. Au bout de trois mois de dépression profonde, thérapie et antidépresseurs à l’appui, et malgré cette abominable impression que j’attirais encore plus les regards à cause de cette manette en permanence devant mon visage, j’ai repris ma vie, finalement bien soulagée de ne plus avoir à m’épuiser en permanence le bras et la main pour pouvoir rouler. C’est avec la prise de conscience de ce bien-être que j’ai assimilé progressivement que je n’avais pas d’autres choix que de l’accepter pour continuer ma vie dans les meilleures conditions possibles.
J’ai donc rangé dans une pochette toutes mes créations, je me suis mise à écrire uniquement à l’ordinateur et j’ai essayé de compenser tant bien que mal. Ce n’est que cette année, que j’arrive à vous les présenter. L’une d’entre elles, le perroquet, est tatouée sur mon bras. Je resterai cet oiseau, passionné par le pinceau, à qui la maladie a coupé les ailes.
Par la suite, j’ai tenté de dessiner, de peindre avec des assistances et des logiciels par ordinateur. Sans succès, cela ne me convenait pas et je ne retrouvais absolument pas la même sensation. Je n’avais pas non plus la même fierté de création car tout passait par le mouvement de ma bouche, de ce joystick et de cette interface informatique qui ne m’apportaient guère satisfaction. Il me fallait retrouver du sens à la création même si elle n’était plus artistique. L’écriture est un art qui m’apporte beaucoup mais pas la même chose et mon défi a été de l’accepter. Je ne retrouverai jamais ce que j’ai connu en peignant mais j’ai la gratitude de l’avoir tout de même expérimenté plusieurs années.
Je vous les présente ici quasiment toutes. Soyez indulgentEs, tout n’est pas parfait. Je n’étais qu’au début de mon entraînement et j’aurais probablement fait bien mieux avec le temps.
Aujourd’hui, je suis fière de moi, avoir sorti et scanné mes œuvres afin de les montrer est un grand pas vers la résilience.